L'autre jour, je préparais des flans aux œufs, saveurs des îles, le lait chauffait tranquillement avec ses épices. J'y ajoutais les maracujas avant de m'en retourner vers une autre préparation, le temps que le lait arrive à ébullition. Revenant vérifier la progression du lait, je le vis caillé ! J'avais goûté le lait avant de l'épicer, je le savais de bonne qualité, comment avait-il pu tourner ainsi ? Si vite ? C'était impossible ! incohérent ! Pendant un bon quart d'heure je fixai cet affreux mélange, tétanisée, assaillie de questions... 
Il m'arrive (souvent) de faire des bêtises en cuisine... Cramer des casseroles (mes premiers essais de caramel ont vu mourir les casseroles, ma première cuisson de riz gluant m'a laissé une couche de 2cm de riz attaché au fond ; une casserole d'eau mise à bouillir mais oubliée lors d'un appel téléphonique a laissé un mauvais souvenir au fond...), mettre trop d'eau dans une préparation (et noyer le riz de la paella qui ne séchera jamais, bouillie informe et infâme ; obtenir un bouillon à peine plus parfumé qu'une tasse d'eau chaude ; obtenir une pâte à pain tellement liquide qu'un kilo de farine a à peine suffit à la rattraper, sans compter la proportion de levure qui n'était plus bonne et que j'ai finalement surdosée...), oublier un ingrédient (oublier de préparer les zestes d'oranges ; de mettre du sel ; d'acheter de la farine alors que j'ai prévu des biscuits...), sans parler de toutes ces recettes ratées parce que je ne savais pas... que la coriandre tue le vin ; que le tofu se dissout dans les légumes s'il n'a pas auparavant été grillé en cubes ou tranches et donne un aspect pas très ragoûtant au plat ; qu'un beurre blanc se prépare à la dernière minute ; que pour les quiches et autres tartes et tourtes, on utilise des produits à faible teneur en humidité de manière à ne pas noyer la pâte : crème fraîche épaisse et non liquide, courgettes ou tomates cuites ou préalablement salées ; etc...
Des catastrophes, j'en ai fait, mais là non ! Y avait un truc ! Après quelques recherches, un ami diplômé de cuisine m'a appris qu'un fruit peut cailler le lait par son acidité, telles les oranges ou maracujas. Que pour éviter cet inconvénient, on les place au sucre un moment afin qu'il y ait cuisson à froid et oxydation des acides incriminés.
La cuisine s'accommoderait-t-elle de sciences ? Cuire, couper, tailler, agrémenter, toutes ces actions peuvent-elles, seraient-elles régies par des lois ? Au-delà des simples proportions et conditions de cuisson, peut-on envisager une approche plus stricte et en même temps plus large ?
Petite fille, je détestais les sciences. Mathématiques, physique et chimie hantaient mon carnet de note au grand désespoir de ma famille. Erreurs d'inattention dans les calculs, lois incomprises et finalement, je l'avoue, de nombreuses heures d'école buissonnière à la place des cours "sans intérêt pour moi, avec des profs repoussants"... Jusqu'en seconde où un professeur de biologie, appliquant une autre approche, réveilla ma curiosité. Depuis, j'ai compris que les sciences expliquent le quotidien, et c'est par le quotidien que je les réapprends. D'autres au contraire, passionnés de sciences et bien plus doués que je ne le serai jamais, décident un jour de tenter d'expliquer notre quotidien, mettant à notre profit leur ténacité et leur curiosité.
Parmi eux, Hervé This, physico-chimiste à l'INRA, expérimente et explore saveurs et aliments, techniques de cuissons et de préparations. Depuis 1992, il révolutionne nos cuisines et balaye les idées reçues, pour le plus grand bonheur des maîtres gastronomes, aux glaces maintenant à l'azote et viandes aux cuissons mieux maîtrisées, des amateurs du saveurs et curieux du goût, des enfants qui à travers des ateliers d'expérimentation s'initient aux sciences avec gourmandise.
"[...] la Gastronomie Moléculaire vise [...] à :
- recenser et tester les tours de main et dictons culinaires, anciens ou modernes, français ou étrangers ;
- expliquer les transformations culinaires par les mécanismes physico-chimiques ;
- présenter la chimie et la physique au grand public, sous une forme appétissante et digeste ;
- utiliser la connaissance des opérations physiques et chimiques pour introduire en cuisine de nouveaux outils ou ingrédients ;
- inventer des plats nouveaux, fondés sur la connaissance des aliments et la compréhension des transformations culinaires."
Chouette programme, n'est-il pas ? 
La cuisine a donc ses principes, ses fondamentaux, et dorénavant ses lettres de noblesse en science. Entre innovations (chantilly de chocolat, glace à l'azote,...) et respect de pratiques anciennes (démonstration que les cuissons lentes à basse température sont préférables aux cuissons en cocotte-minute ou à haute température), la gastronomie moléculaire enrichit nos pratiques, optimise appareils et ustensiles, et nous ouvre de nouvelles portes vers toujours plus de gourmandises.
Découvrez, explorez, osez...